Comédie musicale : définition...

Patrick Niedo a défini la comédie musicale dans son livre « Hello, Broadway ! Une histoire de la comédie musicale américaine » comme étant :

une pièce de théâtre en musique dont les chansons font avancer l’action, décrivent un agissement, ou dévoilent la psychologie, la pensée, la quête d’un personnage lors de soliloques […] .
Traditionnellement, la comédie musicale repose ainsi sur trois grandes disciplines : le théâtre, le chant, et la danse. La comédie musicale n’a, cependant, pas toujours eu le visage que nous lui connaissons aujourd’hui. De tous temps, elle a été le reflet d’un contexte politique et social. Tantôt véritable moyen d’expression patriote (This Is The Army), tantôt donnant voix à une jeunesse rebelle et à des idées engagées (Cradle Will Rock, Hair,…), elle a évolué de concert avec les mœurs et les problématiques de la société américaine. La comédie musicale a, de ce fait, vu le jour aux États-Unis, dans les années 20. Elle tire ses origines du vaudeville américain (spectacles rassemblant des numéros sans aucun lien entre eux, reposant majoritairement sur de la musique, de la danse et des sketches) et des opérettes, très populaires au XIXe siècle. Au début du XXe siècle, ce sont surtout ces dernières, ainsi que les revues musicales (comme les très célèbres Ziegfeld Follies par exemple) et autres spectacles aux livrets simplistes qui occupent les scènes des théâtres de Broadway.

Les années 20 : un tournant pour l'art de la comédie musicale

Show Boat, de Jérôme Kern et Oscar Hammerstein II, est une adaptation du roman du même nom par Edna Ferber. Pour la première fois, il ne s’agit plus de sketchs ou d’histoires simplistes destinées à faire rire, mais bien d’un spectacle mêlant drame et comédie, avec des chansons venant au soutient de l’intrigue.
Des sujets sérieux sont abordés sur scène, comme par exemple celui du racisme.

Pour la majorité des experts, il y a un avant et un après Show Boat dans la comédie musicale américaine. Celui-ci a ouvert la porte à une nouvelle forme de « musicals », plus engagés et avec des personnages plus développés. Pour beaucoup, cette œuvre marque le début de la comédie musicale telle que nous la connaissons.

Les années 20 ont vu bon nombre de grands compositeurs, appelés les « Big Five », dont les œuvres sont toujours jouées aujourd’hui. Il s’agit de Jérôme Kern (Show Boat, Roberta,…), Irving Berlin (Annie Get Your Gun, Easter Parade,…), Cole Porter (Anything Goes, Kiss me, Kate,…), George Gershwin (Lady, Be Good,…) et Richard Rodgers (Oklahoma !, The Sound of Music,…).

C’est d’ailleurs à ce dernier, en collaboration avec Hammersein, que l’on doit une autre grande évolution de la comédie musicale : l’intégration de la danse à l’histoire. En effet, c’est en 1943, avec « Oklahoma ! », qu’apparaît le premier « dream ballet », ou « ballet de rêves », chorégraphié par Agnes de Mille.
La chorégraphie sert alors à montrer le rêve angoissé du personnage principal, tiraillée entre deux hommes. Auparavant, la danse avait toujours été accessoire à l’intrigue. Avec « Oklahoma ! », elle commence à en faire partie.

Mais ce n’est pas là la seule innovation de cette œuvre. Pour la première fois également, une trame secondaire (« subplot ») est ajoutée à la trame principale : le couple principal est rejoint par un couple secondaire, dont la fonction est d’abord comique. C’est un schéma que Rodgers et Hammerstein appliqueront à toutes leurs œuvres suivantes, pour la plupart des monuments absolus de la comédie musicale américaine : Carousel (1945), South Pacific (1949), The King and I (1951) et The Sound Of Music (La Mélodie du Bonheur, 1959).

C’est par ailleurs en 1947 que sont créés les Tony Awards qui, depuis, récompensent chaque année les meilleures comédies musicales et pièces de théâtre dans diverses catégories. Les Tony Awards sont un rendez-vous important chaque année, puisqu’ils sont à la comédie musicale ce que sont les Oscars au cinéma.

Ainsi, le chant est intégré au livret dès Show Boat en 1927 , et la danse commence à l’être en 1943 avec Oklahoma !. Mais c’est en 1957 que cette dernière fusionne complètement pour la première fois avec l’intrigue, grâce à une œuvre révolutionnaire qui reste extrêmement populaire de nos jours : « West Side Story ».

Avec un livret de Arthur Laurents, des musiques composées par Leonard Bernstein et des paroles signées Stephen Sondheim, « West Side Story » marque un véritable tournant dans la comédie musicale grâce à ses chorégraphies signées Jerome Robins, grand chorégraphe et metteur en scène américain ( The King and I, Peter Pan, West Side Story, Gypsy, Funny Girl, Fiddler on the Roof,…).

La danse sert désormais à raconter l’histoire, au même titre que le livret ou les chansons. Certaines scènes, en effet, sont entièrement dansées : par exemple, la scène du bal où Maria et Tony, les deux protagonistes, tombent amoureux. Aucune parole n’est échangée, tout est raconté par la danse, qui fait désormais à elle seule avancer l’intrigue.

En outre, c’est en 1956 qu’est créé un grand classique intemporel : My Fair Lady. Cette œuvre, signée Alan Jay Lerner et Frederick Loewe, reste dans le classicisme des comédie musicales américaines. Son succès qui a persisté bien après la consécration de West Side Story quelques mois plus tard illustre la cohabitation à Broadway entre des œuvres traditionnelles et des œuvres novatrices, qui existe encore aujourd’hui plus que jamais.

Un genre populaire outre-Atlantique

De fait, la comédie musicale reste un genre extrêmement populaire outre-Atlantique. De nouveaux spectacles s’y montent constamment, abordant tous les sujets, toutes les problématiques : que ce soit l’histoire américaine sur fond de r’n’b (Hamilton) ou la santé mentale chez les adolescents (Dear Evan Hansen), ces nouvelles comédies musicales touchent parfois un large public, et entrent ainsi dans la culture populaire.

Les œuvres originales côtoient les adaptations d’œuvres issues de tous horizons, de Bob l’Éponge à King Kong, en passant par Mean Girls et Frozen (La Reine des Neiges). Elle aborde tous les sujets, toutes les problématiques. Aujourd’hui, les revivals (nouvelles productions de spectacles ayant déjà été produits) cohabitent avec les œuvres nouvelles et inédites, le classicisme avec la modernité.

Un art qui s'exporte en Europe...

En effet, Broadway et West End (son homonyme anglais) ce sont échangés bon nombre d’œuvres au cours des dernières décennies : The Phantom of the Opera (Le Fantôme de l’Opéra) d’Andrew Lloyd Weber, par exemple, a débuté à Londres en 1986, avant d’être exporté à Broadway deux ans plus tard, où il détient actuellement le record de longévité avec plus de 12 780 représentations . Il en est de même pour Cats (1981), du même compositeur.

En outre, un duo français n’est pas en reste et a réussi à se faire un nom dans le milieu de la comédie musicale : Claude-Michel Schönberg et Alain Boublil, à qui l’on doit Les Misérables notamment, œuvre d’abord présentée en France, puis exportée à Londres, et enfin à Broadway en 1987, et qui y est devenue un véritable monument.
Nombre de comédies musicales américaines font également le chemin inverse et viennent s’installer à Londres, comme, récemment, Dear Evan Hansen, Waitress et Heathers.

... Mais une reconnaissance tardive en France

Cependant, si la comédie musicale a connu un véritable essor chez nos voisins londoniens, elle n’a pas eu la même évolution sur la scène française. Il faudra attendre « Starmania » en 1979 pour que le genre connaisse un succès au niveau national, et même, en l’occurrence, au niveau international.

Depuis, celui-ci s’est développé dans diverses formes. Le terme de « spectacle musical » s’est popularisée petit à petit, notamment avec des spectacles comme « Notre-Dame de Paris » en 1998, « Roméo et Juliette « en 2001, « Le Roi Soleil » en 2005,…

L’arrivée de Stage Entertainment en août 2005 a bouleversé la scène française en produisant des monuments de la comédie musicale américaine et anglaise à Paris, avec tout d’abord « Cabaret, » puis « Le Roi Lion« , « Mamma Mia !« , « Cats« ,… Ces spectacles cohabitent désormais en France avec les « spectacles musicaux » (Mozart, l’Opéra Rock, Dracula, l’amour plus fort que la mort, Salut les Copains,…), qui se sont développés sur d’autres formats que leurs cousines londoniennes et new-yorkaises.

Une forme d'art en constante évolution

Mais où que l’on se place, la comédie musicale est une forme d’art en constante évolution, et qui porte son influence dans d’autres formes artistiques, comme le cinéma par exemple : en effet, si bon nombre de comédies musicales se sont inspirées d’autres œuvres, il n’est pas rare qu’elles servent elles-mêmes d’inspiration pour des adaptations cinématographiques (Show Boat, My Fair Lady, West Side Story, Fame, Chicago, Hairspray, ou Le Fantôme de l’Opéra).

Enfin, leur influence donne même parfois naissance à des films complètement originaux reprenant leurs codes, comme La La Land et The Greatest Showman, dont les musiques ont été, au demeurant, écrites par Benj Pasek et Justin Paul, également auteurs de la comédie musicale à succès Dear Evan Hansen.

Retour en haut